.Dialogue avec  Florence Chevallier a travers sa galerie virtuelle dePrésentation de Florence Chevallier pour le site "La Chair et Dieu" .
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CHEVALLIER Florence.............

Rencontre autour du thème de la Chair & Dieu
Propos Recueillis par Samantha Barroero le 18 mai 2001 à Paris


PORTRAIT DE FLORENCE CHEVALLIER
par Magali Jauffret in " Pour Voir ", janvier 2001, (extrait) :

Florence Chevallier avance. La maturité arrive dans sa vie et dans son œuvre. Que de chemin parcouru depuis ses autoportraits de jeunesse, si tourmentés, si étouffants à force d'être sérrés dans le cadre ! L'artiste avance. Même si elle est toujours aux prises avec sa quête d'identité. Mais n'est-ce pas le travail de toute une vie ?

(…) Florence Chevallier est parti d'un point où elle représentait son corps pour aller, aujourd'hui, vers un point où elle représente la ville, si sensuelle où elle est née (référence à la dernière série de l'artiste intitulée " Casablanca). Si elle n'est plus enfermée, si elle n'étouffe plus dans le cadre, comme au temps des " Nus " (1984), de " Corps à corps " (1987), de " Toublée en vérité " (1987), de " La Mort " (1991) ou du " Bonheur " (1993), elle n'en est pas moins au centre, en quête d'elle-même. " Imaginez un travelling arrière dit-elle. Au début, je montrais mon corps, puis mon visage, puis l'autre, avec moi, dans le cadre. J'ai eu recours à des dispositifs tels que la peinture, le miroir ou la mise en scène. Ces écritures formelles différentes correspondent à une traversée de la psyché. Je ne crois pas au regard objectif. Je suis toujours au plus authentique de mon sentiment intérieur. C'est à chaque fois la même histoire d'une identité qui se crée. Devenir sujet demande l'attention de toute une vie. " Justement, " Les songes " et " Des journées entières " (20002), précèdent de peu le travail au Maroc. On ne s'en étonnera pas. La proposition poétique des " Songes ", qui suit de très près celle des " Philosophes ", dans lesquels le corps de la femme enceinte a enfin trouvé sa place, met en scène, de façon théâtralisée, des étudiants intéressés par l'art. Mais l'intention de départ n'est-elle pas déjà, de s'ouvrir à l'extérieur, d'embarquer pour des villes baroques d'Italie ou pour d'autres, romantiques comme Salzbourg ?
Avec la série " Des journées Entières ", le mouvement de l'émotion est enclenché. Les personnages ne sont plus bloqués vers un ailleurs philosophiques. Moins contraints, ils s'émancipent. (…)

Rencontre autour du thème de la Chair & Dieu
Propos Recueillis le 18 mai 2001à Paris

De 1986 à 1993, vous faites partie du groupe de photographes " Noir Limite ", avec Jean-Claude Bélégou et Yves Trémorin. Quelles furent les motivations de cette association ?
FLorence Chevallier : Nous voulions nous dégager de tout ce que l'on avait alors l'habitude de voir à l'époque en photographie. On sortait des années soixante-dix. Il y avait d'un côté le règne du photo journalisme avec ses images de reportage, prises sur le vif et de l'autre des plasticiens qui prenaient en charge la photographie par leur travail.
Mais il n'y avait pas encore véritablement de photographe qui oeuvraient vraiment dans le médium photographique.
Pour nous avec Noir Limite, le but était de vraiment considérer la photographie dans sa dimension révélatrice.

Par quels moyens pensiez-vous atteindre cette dimension ?
FLorence Chevallier : Par un jeu très important entre le Noir de l'image photographique et des effets de lumière. Les sujets que nous abordions également permettaient de répondre à cette attente : le " Corps à Corps amoureux " ou la " Mort ", deux thèmes existentiels, entre autres incontournables.
Avec Noir Limite effectivement, nous avons toujours énoncé, notamment dans le manifeste constitutif au groupe, que nous voulions redonner à la photographie une profondeur. Alors que l'on sait bien que la photographie est une affaire de surface.

L'image du corps chez Noir limite est celle d'un corps mis sous tension. D'où le sentiment face aux photographies d'une présence charnelle et émotionnelle intense ?
FLorence Chevallier : Dans Noir Limite, il y a toujours eu un rapport à la photographie, à la fois passionnel et paradoxal.
Il y avait une volonté commune d'aller chercher l'intériorité dans les images photographiques. Nous cherchions surtout à rendre l'image d'une chair constituée dans son épaisseur, à dépasser la simple enveloppe corporelle qu'est la peau.
La photographie devait rendre visible l'esprit, la profondeur de l'être.
Dans mon travail, la question de la chair est considérée sous l'angle du rapport entre le corps et l'esprit. C'est une Chair tourmentée, en proie à la pulsion, à la sexualité que j'exprime. Mes photographies traitaient alors d'un conflit, d'un conflit intérieur.

A côté du travail photographique, Noir Limite proposait aussi des performances. Vos expositions ont souvent été organisées dans des lieux assez inattendu comme une abbaye, un abattoir. Vous aviez une volonté de ritualiser la pratique photographique ? De lui donner une dimension de l'ordre du sacré ?
FLorence Chevallier : Par rapport au sacré, nous entretenions là encore un paradoxe. On a toujours dit que nous étions des religieux athées. Concernant les performances, il y a avait quelque chose qui touchait d'une part à la dégradation de l'image (un noir Limite des iconoclastes ? ?) et d'autre part un rapport au sacré et au passionnel que l'on ressent dans le passage à l'acte public. La performance permet aux artistes de se mettre en présence.
Pour ce qui est du choix des lieux, on a toujours aimé l'idée de mettre notre travail dans un espace fort, un lieu fort, porteur d'histoire. La série sur " La Mort " a été présentée dans les anciens abattoirs du Havre. Le Bâtiment était extrêmement intéressant du point du vue architectural et bien sûr symboliquement très fort.
C'est la même chose pour un lieu de culte. Dans ce cas, comme pour l'Abbaye du Havre par exemple, c'est notre histoire personnelle je pense qui ressort. Personnellement j'ai été élevé dans la religion catholique : catéchisme, messes… L'église est un endroit où j'ai ressenti des émotions très fortes liées à mon enfance. J'en porte des souvenirs forcément.
Les artistes, je pense, sont très sensibles à cet investissement d'un moins traditionnel. Pour Noir Limite tel était le cas.
Il y a aussi une réalité contemporaine qui fait que ces lieux sont réinvestis aujourd'hui par les institutions culturelles.

La lumière tient une place primordiale dans le travail photographique. Comment la définiriez-vous?
FLorence Chevallier : Effectivement, je trouve que par l'éclaircissement de l'œuvre par elle-même et donc par la recherche sur tous les procédés, et jeux de lumière possible, on met en avant ce que l'on est, le rapport que l'on entretient avec la vie, avec les autres.
C'est toujours je pense la recherche de la dimension révélatrice.
L'œuvre d'art révèle ce que l'on ne connaît pas, cette part inconnue de soi et du monde qui vient à la surface nous faire signe, nous montrer des chemins possibles.

C'est une quête spirituelle ?
FLorence Chevallier : Le rapport avec la spiritualité est bien sûr toujours à l'œuvre. A certaines périodes on se bât avec, on la repousse et à d'autres on sent bien qu'elle se glisse, se faufile.
Dans mon travail, il me semble qu'elle s'exprime de plus en plus à partir du moment où je ne figure pas moi-même dans l'image. Un peu comme si en cessant de représenter mon propre corps, mon apparence, j'avais laissé venir plus volontiers cette idée de spiritualité dans mon travail.
C'est toujours assez gênant d'employer le terme de spiritualité. Il fait parti d'un vocabulaire qui appartient à une catégorie de gens, de pratiques religieuses et à une institution qui les encadrent.
D'où la difficulté de parler de mon travail en référence au sacré, au spirituel sans les mettre en relation avec d'autres notions comme l'érotisme, la sexualité… Comme a su si bien l'exprimer Georges Bataille. Cela permet d'établir un contrepoint nécessaire.

La scission de Noir Limite a-t-elle provoqué un changement radical de votre travail?
FLorence Chevallier : Noir Limite était un groupe composé d'individus et d'individualités. A travers le groupe nous voulions trouver une synergie de travail, mais nous avions nos propres travaux, au demeurant nous n'avons pas signé en commun les œuvres.
Quand nous avons dissolu Noir Limite, j'arrivais dans mon travail à une période charnière.
J'avais toujours réalisé des séries nécessitant un dispositif assez contraignant, clos et figé. Je me mettais en scène personnellement. Cela devenait de plus en plus éprouvant, notamment lors de la série sur le " Bonheur ". Ce travail a attiré beaucoup de commentaires, a beaucoup fait parlé de lui, a beaucoup été montré… Dans ma vie personnelle il a littéralement provoqué une sorte de déflagration. Après le " Bonheur " j'ai entamé une rupture à la fois personnelle et vis-à-vis de mon travail.
Il était clair que je voulais changer le mode de représentation des personnages photographiés : esthétiquement froid, sans émotion… Je voulais prendre de la distance, être dans un tout autre rapport.

En sortant du cadre photographique, et ne vous prenant plus comme sujet…
FLorence Chevallier : Oui, cette mise à distance me permet d'être moins dans un rapport exhibitionniste, et de ressentir peut-être mieux les choses de l'intérieur. C'est une drôle de sensation que d'être toujours dans l'image, dans le regard. C'est parfois un obstacle à d'autres formes de réflexion. Mais on ne se refait pas quand on est photographe tout passe par l'image, et la question de l'image a toujours existé dans l'histoire de la religion, de l'art, et dans les questions que les êtres se posent sur eux-mêmes : " Se représenter, regarder, voir, montrer…

C'est de là qu'est né la série des " Communs des mortels " ?
FLorence Chevallier : Effectivement avec cette série, j'ai complètement abandonné la maîtrise formelle, le cadre… et j'ai commencé ce travail en photographiant dans tous les sens des animaux, des journées à la campagne… Tout ce qui se présentait à mes yeux, avec des couleurs très disparates. J'ai ainsi fait une sorte de banque d'images. J'ai alors procédé à un tri et fait un choix à partir de ses véritables séquences - un peu comme si je réalisais un clip vidéo - J'ai travaillé sur le montage de ses images.
Cela m'a donné une grande liberté. Je trouvais là un moyen de me reposer des questions sur des choses moins agréables de soi-même, du rapport à l'animalité, à la mort, à la dégradation des éléments. Toutes ces formes emboîtées et mêlées, inspirées par le règne végétal, animal et humain m'ont permis de trouver un contre-pied radical à la série sur le " Bonheur ".

On ressent dans votre travail un grand apaisement à partir de la série intitulée "Enchantement ", un retour aux sources?
FLorence Chevallier : " Enchantement " est en fait arrivé après la série des Philosophes qui figure également dans cette monographie. " Les Philosophes " sont réellement le début d'une première renaissance. En 1994, Une femme enceinte m'a proposée à quelques jours de son accouchement de poser. La référence à l'iconographie religieuse est très présente ici. Cette photographie rappelle les représentation des madones, les Annonciations… avec le double paysage - un double espace mis en relation avec l'idée d'attente et la très forte lumière qui vient du dehors et éclaire le modèle. Et c'est à partir de cette image que le goût des prendre des photos m'est revenu. La série sur " Les Philosophes " est partie de là. Il y avait pour moi deux grandes figures de philosophes : ceux qui parcourent le monde et pensent le monde en marchant… et ceux qui pensent le monde en le regardant assis derrière une fenêtre. Cette attitude me correspondait un peu - à cette époque en tout cas -

Qu'observent ces personnages depuis leur fenêtre ?
FLorence Chevallier : Les éléments qui composent la nature. La symbolique des éléments est souvent mise en avant. Il y a dans cette série toujours un rapport entre le feu et l'eau. Les modèles sont souvent mis en situation face à un lac, un feu, une forêt, une montagne, de la pierre… Ce sont des figures emblématiques des rêves et des cauchemars. J'ai attaché un souci très particulier à la représentation de la nature.

Avec " Enchantement " (1995-1998), votre univers s'ouvre littéralement à la nature, vos personnages la savourent non plus isolés derrière leur fenêtre, mais ils se retrouvent et profitent de que la nature peut leur offrir. Un peu comme si vous nous livriez ici l'image du Jardin d'Eden ", d'une joie retrouvée… en famille…
FLorence Chevallier : Le Jardin d'Eden était un thème déjà présent dans la série du " Bonheur ", mais je dirais d'une façon peu aimable. C'est en effet un des thèmes récurrent de mon travail. C'est peut-être même cela qui me fait prendre des photographies :
retrouver le bonheur des origines, celui que l'on a perdu.
Les " Enchantements " sont aussi une sorte de retour à l'enfance notamment dans le troisième volet où les personnages sont descendus dans la caverne. Pour moi c'est l'image de l'enfance de l'humanité. L'enfance est le moment où l'on était heureux - simplement - Je voulais représenter cet espèce de sentiment d'un Idéal, d'un moment idéal dans l'existence qui ferait référence à l'enfance également de l'humanité et à tous les mythes qui touchent à nos origines et très souvent d'une façon " merveilleuse ", " idyllique ".
La notion de famille s'ouvre à la fin de la série. Il n'y a plus que le couple, mais la notion de tribu apparaît et tout d'un coup il y a une nouvelle dynamique qui s'installe.
J'ai commencé à animer mes personnages, à évoquer la possibilité de nouer des relations entre les uns et les autres, et avec l'environnement dans lequel ils se rencontrent.


Le site officiel de Florence Chevalier florencechevallier.blogspot.com/




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